Les « trente glorieuses » dans l’histoire economique et sociale de la france contemporaine
En février 1964, dans un article intitulé « Retour à la grandeur », le magazine américain Newsweek constatait que « la France actuelle est à des années lumières de ce qu’elle était à la fin des années 1940». Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la France entre en effet dans une ère inédite de son histoire économique et sociale : à l’instar des autres pays occidentaux, le pays connaît une croissance économique forte et régulière et une situation de plein emploi jusqu’en 1973, date du premier choc pétrolier. Pendant cette période, le taux de croissance annuel moyen avoisine les 5.5 %, atteignant même 6.5 % entre 1965 et 1973. Ce miracle économique qui dura environ 30 ans fut qualifié de « Trente Glorieuses » par l’économiste français Jean Fourastié dans son ouvrage éponyme de 1979. L’extension chronologique des Trente Glorieuses est moins évidente que ne le laisse supposer le nom, et requiert une périodisation plus fine. Les années 1945-1955 pourraient être qualifiées de phase fondatrice, c’est l’époque de la reconstruction et de la modernisation du pays après le marasme des années trente et les dévastations de la guerre. Ce n’est qu’à partir de 1954 que la notion de Trente Glorieuses prend tout son sens historique, et ce, jusqu’en 1973. C’est durant cette deuxième phase que la croissance nourrit l’expansion économique mais aussi la mutation sociale. Il faut bien comprendre que le caractère exceptionnel des Trente Glorieuses réside dans le fait que la croissance économique s’accompagnât d’un bouleversement anthropologique sans précédent : en 30 ans, estime Jean François Sirinelli, « la France d’avant disparaît corps et biens et le pays est emporté par la mutation la plus rapide de son histoire ». Il est toutefois singulier que cette phase « glorieuse » de l’histoire économique et sociale française ne fût considérée et analysée comme telle que