Lettre à Ménécée
De ce fait, l’existence des dieux transforme l’anéantissement terrifiant de la mort en un passage vers une autre vie. Mais cette vie pourrait être pire que celle que je connais. Donc les dieux doivent pouvoir me fournir des garanties sur cette vie future, qu’elle sera meilleure que celle que je vis. Mais cela ne peut se faire qu’à une condition : l’obéissance à leurs lois, ce qu’ils jugeront à ma mort.
La religion déplace alors le problème : elle donne un sens à la mort, elle confirme une intuition de mon imagination. En faisant cela, elle me libère d’une partie de la souffrance que chacun ressent quand il perd un proche, et de l’inquiétude que je ressens lorsque je j’essaie de m’imaginer ce qui se passera à ma mort. Mais elle lui donne un sens à condition que je respecte les règles dictées pas les dieux. C’est même ces règles qui donneront du sens à ma mort : si je les ai trahies, je serai justement puni. Sinon, je serai récompensé. En faisaint cela, la religion réintroduit du choix là où je semblais condamné au déterminisme et à l’absurde.
Mais en contrepartie, je dois craindre le jugement divin. Car les dieux voient tout, même ce que j’ignore en moi et ils pourraient me punir de fautes que je ne sais pas avoir commis, dont je ne me suis pas (ou pas assez, ou pas sincèrement) repenti. Je n’ai pas de prise sur leur jugement, je ne peux pas les convaincre de ma bonne foi. Mon avenir est alors entre les mains d’un être supérieur que je ne contrôle pas et ne comprends pas toujours