Litterature
La littérature maghrébine de langue française à l'épreuve du temps
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Yamina Mokaddem
"Folie de la langue, mais si douce si tendre en ce moment Bonheur indicible! Ne dire que cela: apprends-moi à parler dans tes langues" A. Khatibi, Amour bilingue, 1983.
On relève souvent, à juste titre, que le mot "cri" s'inscrit au centre du verbe "écrire", et par là-même, à la naissance de l'acte d'écriture. Toute écriture, et a fortiori l'écriture maghrébine de langue française qui nous intéresse ici particulièrement, est, en effet, tension. Tension entre deux univers culturellement différents, tension entre deux histoires pourtant intimement liées, tension entre deux langues, l'une maternelle et du "dedans", l'autre, langue du colonisateur et donc langue du "dehors", pour reprendre les expressions d'Assia Djebar. Cette littérature qui est née, rappelons-le, dans un contexte bien précis, celui de la colonisation et des mouvements de libération nationale, ne cesse aujourd'hui, surtout pour ce qui est de l'Algérie et des écritures de femmes en particulier, de se déployer, occupant une place non négligeable dans l'espace des littératures nationales voire internationales, malgré les perspectives peu encourageantes que de nombreux critiques et idéologues avaient dessinées dès l'accession des pays du Maghreb à leur indépendance. Est-ce donc à dire pour autant que le français, en tant que langue d'écriture, a permis et favorisé le déploiement de l'espace littéraire maghrébin particulièrement fécond aujourd'hui? L'histoire coloniale a fortement marqué la littérature maghrébine de langue française et plus particulièrement la littérature algérienne. Le français "butin de guerre" selon l'expression de Kateb Yacine a, dans un
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Automne 1996
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premier temps, été une arme de revendication face à