Littérature et engagement
« Il n'y a vraiment de beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid. » À cette position de Théophile Gauthier s'oppose celle de Sartre telle qu'elle est formulée dans Qu'est-ce que la littérature ? : « L'écrivain est en situation dans son époque : chaque parole a des retentissements. Chaque silence aussi. Je tiens Flaubert et Goncourt pour responsables de la répression qui suivit la Commune parce qu'ils n'ont pas écrit une ligne pour l'empêcher. »
Ces deux points de vue posent le problème de l'engagement en littérature : l'écrivain peut-il ignorer le monde qui l'entoure ? l'œuvre a-t-elle pour vocation de véhiculer un message ?
1. Selon les partisans de l'engagement, quelle doit être la fonction de l'écrivain ?
Chez certains écrivains domine le sentiment que leur talent, leur don d'écriture, doit être mis au service des autres. Au xixe siècle, Victor Hugo définissait déjà le poète comme le « mage », unguide qui a pour mission d'indiquer au peuple la voie à suivre (Les Rayons et les ombres, 1840) :
« Dieu le veut, dans les temps contraires,
Chacun travaille et chacun sert.
Malheur à qui dit à ses frères :
Je retourne dans le désert !
Malheur à qui prend ses sandales
Quand les haines et les scandales
Tourmentent le peuple agité !
Honte au penseur qui se mutile
Et s'en va, chanteur inutile,
Par la porte de la cité !
Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs. ll est l'homme des utopies,
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C'est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue,
Comme une torche qu'il secoue,
Faire flamboyer l'avenir ! »
De même, pour Jean-Paul Sartre « la fonction de l'écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne s'en puisse dire innocent. Et comme il s'est une fois engagé dans l'univers du langage, il ne peut plus jamais feindre