Livre VII de JDLF
LIVRE VII (1678)
Avertissement
Voici un second recueil de fables que je présente au public. J'ai jugé à propos de donner à la plupart de celles-ci un air et un tour un peu différent de celui que j'ai donné aux premières, tant à cause de la différence des sujets, que pour remplir de plus de variété mon ouvrage. Les traits familiers que j'ai semés avec assez d'abondance dans les deux autres Parties convenaient bien mieux aux inventions d'Ésope, qu'à ces dernières, où j'en use plus sobrement, pour ne pas tomber en des répétitions : car le nombre de ces traits n'est pas infini. Il a donc fallu que j'aie cherché d'autres enrichissements, et étendu davantage les circonstances de ces récits, qui d'ailleurs me semblaient le demander de la sorte.
Pour peu que le lecteur y prenne garde, il le reconnaîtra lui-même ; ainsi je ne tiens pas qu'il soit nécessaire d'en étaler ici les raisons, non plus que de dire où j'ai puisé ces derniers sujets. Seulement je dirai, par reconnaissance, que j'en dois la plus grande partie à Pilpay, sage indien. Son livre a été traduit en toutes les langues. Les gens du pays le croient fort ancien, et original à l'égard d'Ésope ; si ce n'est Ésope lui-même sous le nom du sage Locman. Quelques autres m'ont fourni des sujets assez heureux. Enfin j'ai tâché de mettre en ces deux dernières
Parties toute la diversité dont j'étais capable.
A Madame de Montespan
L'apologue est un don qui vient des Immortels (1);
Ou, si c'est un présent des hommes,
Quiconque nous l'a fait mérite des autels:
Nous devons, tous tant que nous sommes,
Eriger en divinité
Le sage (2) par qui fut ce bel art inventé.
C'est proprement un charme: il rend l'âme attentive,
Ou plutôt il la tient captive,
Nous attachant à des récits
Qui mènent à son gré les coeurs et les esprits.
O vous qui l'imitez (3), Olympe (4), si ma muse
A quelquefois pris place à la table des dieux,
Sur ses dons aujourd'hui, daignez porter les yeux;