“Livres de conduite et tactiques de légitimation au dix-huitième siècle.” “Légitimer” est selon le grand Robert “rendre légitime, faire admettre comme juste, acceptable, excusable”. Légitimer présuppose le passage de l’illétigime et donc de l’inacceptable au legitime. Un des utilisations les plus répandues du terme concerne les enfants nés hors du mariage. Mais l’absence de légitimité s’applique a bien d’autres domains. Parmi lesquels le domaine littéraire. Qu’on se souvienne par exemple des difficultés rencontrées par les romanciers du dix-huitieme siecle pour faire accepter un genre largement méprisé. Dans ma communication aujourd’hui, je lierai la question de la légitimation à des ouvrages qui n’auraient pas du etre soumis à un tel traitement puisqu’il s’agissait d’ouvrages didactiques et donc apparemment légitimes par le but dont ils se vantaient. Et pourtant au dix-huitième siècle, ces ouvrages n’allaient toujours pas de soi.
Quelques mots sur le contexte de leur apparition:
Au dix-huitième siècle l’opinion—défendue dès la fin du siècle précédent par Fénelon et la marquise de Maintenon, bien que ses idées n’aient pas encore été disséminées à l’époque—que les filles méritaient une meilleure éducation gagna du terrain. Selon les historiennes de l’adolescence féminine Paule Constant et Yvonne Kniehbieler, cette conscience accrue des besoins éducatifs des filles (de l’élite en particulier) s’explique par le retardement de l’âge du mariage. L’allongement de la période entre la puberté et l’état adulte nécessitait une meilleure “gestion” de ces années intermédiaires, qu’on appelait déjà “l’adolescence.’’ La reconnaissance de ce besoin, établie à un moment où la culture de l’écrit poursuivait son essor, engendra alors non seulement une myriade d’ouvrages sur l’éducation féminine où les filles étaient objets de discours, (montrer slide) mais aussi un certain nombre de manuels qui leur étaient directement destinés. Parmi ces derniers ouvrages, certains visaient