Lorenzaccio acte i scène 4
Une cour du palais du Duc. Le duc Alexandre sur une terrasse ; des pages exercent des chevaux dans la cour.
SIRE MAURICE. Lorenzo est un athée ; il se moque de tout. Si le gouvernement de votre Altesse n'est pas entouré d'un profond respect, il ne saurait être solide. Le peuple appelle Lorenzo, Lorenzaccio : on sait qu'il dirige vos plaisirs, et cela suffit.
LE DUC. Paix ! tu oublies que Lorenzo de Médicis est cousin d'Alexandre. (Entre le cardinal cibo.) Cardinal, écoutez un peu ces messieurs qui disent que le pape est scandalisé des désordres de ce pauvre Renzo, et qui prétendent que cela fait tort à mon gouvernement.
LE CARDINAL. Messire Francesco Molza vient de débiter à l'Académie romaine une harangue en latin contre le mutilateur de l'arc de Constantin.
LE DUC. Allons donc, vous me mettriez en colère ! Renzo un homme à craindre ! Le plus fieffé poltron ! Une femmelette, l'ombre d'un ruffian énervé ! Un rêveur qui marche nuit et jour sans épée, de peur d'en apercevoir l'ombre à son côté ! D’ailleurs un philosophe, un gratteur de papiers, un méchant poète, qui ne sait seulement pas faire un sonnet ! Non, non, je n'ai pas encore peur des ombres. Eh ! Corps de Bacchus ! que me font les discours latins et les quolibets de ma canaille ! J’aime Lorenzo, moi, et, par la mort de Dieu, il restera ici.
LE CARDINAL. Si je craignais cet homme, ce ne serait pas pour votre cour, ni pour Florence, mais pour vous, duc.
LE DUC. Plaisantez-vous, cardinal, et voulez-vous que je vous dise la vérité ? (il lui parle bas.) Tout ce que je sais de ces damnés bannis, de tous ces républicains entêtés qui complotent autour de moi, c'est par Lorenzo que je le sais. Il est glissant comme une anguille ; il se fourre partout, et me dit tout. N'a-t-il pas trouvé moyen d'établir une correspondance avec tous ces Strozzi de l'enfer ? Oui, certes, c'est mon entremetteur ; mais croyez que son entremise, si elle nuit à quelqu'un, ne me