Madame de Merteuil est un personnage extraordinaire qui se rebelle contre la place réservée dans la société à la femme, toujours soumise à l’homme et dépendante de lui, qu’il soit son mari ou son amant. Dès sa jeunesse, elle s’oblige à une totale maîtrise de soi, à la fois pour dis- simuler ses propres sentiments et pour mieux abuser les autres en pas- sant pour une femme respectable (« ma façon de penser fut pour moi seule, et je ne montrai plus que celle qu’il m’était utile de laisser voir », proclame-t-elle dans la Lettre 81 où elle expose les règles de conduite qu’elle s’est forgées). Ayant la chance d’être veuve très jeune, et riche, donc relativement libre et indépendante, elle se lance dans une véritable « guerre des sexes » – « Née pour venger mon sexe et maîtriser le vôtre » écrit-elle à Valmont –, voulant « faire de ces hommes si redoutables le jouet de [ses] caprices ou de [ses] fantaisies » (Lettre 81). La séduc- tion devient alors pour elle un enjeu vital et un instrument de domi- nation sur les hommes.

manipulation visent à sauvegarder son indépendance et sa liberté de conduite, apanages traditionnellement masculins. Les relations entre elle et Valmont vont donc se tendre dès que le libertin voudra exercer un pouvoir sur elle, en particulier à travers l’accomplissement du pacte, dans lequel elle ne perçoit que l’assouvissement d’un fantasme mascu- lin. C’est ce que nous voyons dans la lettre 127 où elle répond avec une ironie mordante aux exigences de Valmont (qui veut qu’elle se donne à lui), en prenant plaisir à humilier les prétentions masculines tout en affirmant hautement ses