Mai 68
Le moment 1968, un objet pour la World history ?
Jean-François Sirinelli
Tout au long du premier semestre 2008, l’on a assisté en France à un véritable raz-demarée éditorial concernant les événements hexagonaux de 1968. L’auteur de ces lignes, qui a indirectement participé à ce déferlement 1 , n’est certes pas le mieux placé pour s’en étonner. Une première remarque, tout de même, sans rapport direct avec ce numéro d’Histoire@Politique : un tel déferlement constituerait à coup sûr un très beau sujet de recherche d’histoire culturelle et politique, car s’y lisent en filigrane bien des enjeux implicites ou explicites de la vie de la Cité. Une autre remarque, en revanche, nous rapproche davantage de la raison d’être de ce recueil d’articles : c’est en prévision d’un tel trop-plein concernant le Mai français que certains dossiers publiés au printemps dernier dans la presse ont pris le parti d’élargir la focale et d’évoquer l’année 1968 dans le monde. Un tel choix était certes judicieux mais a souvent débouché sur des séries de monographies accolées, sans réelle plus-value en termes d’analyse historique de l’onde de choc qui parcourt une partie de la planète durant cette année-là. Investi par le comité de rédaction de notre revue du soin de mettre sur pied un dossier sur 1968, il m’est d’emblée apparu, comme au comité, que, plutôt que d’élaborer une énième étude collective sur ce Mai français sur lequel se profilait déjà, sinon le tsunami de publications, en tout cas un prévisible surinvestissement en recherches et en évocations diverses, l’approche la plus féconde, intellectuellement et scientifiquement, serait assurément de se placer en grand angle, à condition toutefois d’éviter ce piège du simple catalogue des variantes nationales. C’est dans une telle perspective que j’ai proposé