Marguerite duras, un barrage contre le pacifique « la mort des enfants »
Introduction
Marguerite Duras occupe une place particulière dans la production romanesque contemporaine. En effet, dès 1950, date de publication d’Un Barrage contre le Pacifique, elle délaisse les canons habituels de l’écriture romanesque (narration, description, rendu des personnages) au profit d’un style fondé sur la primauté du dialogue, qui tente de restituer un monde intermédiaire, entre le dit et le non-dit des pensées souterraines de chacun. Une étroite imbrication de la réalité et de la fiction caractérise nombre d’œuvres littéraires, en particulier les romans, où l’élément autobiographique est souvent facile à repérer. C’est ainsi que Marguerite Duras a donné pour cadre à l’un de des premiers romans, Un Barrage contre le Pacifique, l’Indochine française, où elle vécut jusqu’à l’âge de dix-sept ans. L’action du roman, le combat d’une femme pour conquérir des terres sur l’Océan qui les submerge périodiquement, est une transposition du combat que mena sa propre mère. Comme dans d’autres colonies, les paysans formaient la majorité de la population indochinoise, Marguerite Duras s’attache ici à peindre les enfants dans une évocation réaliste qui s’élargit en une vision poétique, où la mort se confond avec un fléau naturel.
Lecture
Jusqu’à un an environ, les enfants vivaient accrochés à leur mère, dans un sac de coton ceint au ventre et aux épaules. On leur rasait la tête jusqu’à l’âge de douze ans, jusqu’à ce qu’ils soient assez grands pour s’épouiller tout seuls et ils étaient nus à peu près jusqu’à cet âge aussi. Ensuite ils se couvraient d’un pagne de cotonnade. A un an, la mère les lâchait loin d’elle et les confiait à des enfants plus grands, ne les reprenant que pour les nourrir, leur donner, de bouche à bouche, le riz préalablement mâché par elle. Lorsqu’elle le faisait par hasard devant un Blanc, le Blanc détournait la tête de dégoût. Les mères en riaient. Qu’est-ce que ces dégoûts-là pouvaient bien