Melancholia, « melancholia » commentaire
Les Contemplations, publiées en 1856 par Victor Hugo, constituent à le lire les « mémoires d’une âme ». Il faut entendre ce mot dans ces trois sens : mémoires de sa carrière de poète, mémoires de sa fille décédé trop tôt Léopoldine, et mémoires d’un homme témoin de son temps, et dont l’engagement social lui a valu d’être exilé par le nouvel empereur Napoléon III. L’extrait que nous étudions est tiré d’un poème particulièrement long, …afficher plus de contenu…
Il s'agit d'un discours indirect libre : l'absence des marques habituelles du discours direct permet de faire fusionner sa voix à celle du poète, et ainsi de faire entrer un parler pauvre et populaire dans les lignes de la poésie : « Pas d'argent ; pas de pain ; à peine un lit de paille. /
L'homme est au cabaret ». Les phrases averbales, rapides, répétitives, ainsi que la périphrase populaire « l'homme » pour désigner le mari montrent un discours populaire introduit dans une poésie qui s'annonçait pourtant sous le signe de la mélancolie, patronne des beaux-arts. L'oralité voulue par le poète, marquant l'urgence sociale, se poursuit dans la fin de la strophe grâce …afficher plus de contenu…
L'énumération d'adjectifs « décharné, / Maigre, blême » décrivent les marques de la pauvreté et de la faim sur le visage de cette femme, et la rapprochent même de sa mort, puisque « blême » a une connotation lugubre, qu'on retrouve dans le « spectre » à la fin de la strophe. Le cliché pathétique de l'enfant, dont l'épithète « étonné », à prendre au sens fort de « frappé », renforce l'aspect terrible et vivant de la scène. L'allitération en consonnes explosives dans le vers « Pas d'argent ; pas de pain ; à peine un lit de paille » montre la détresse d'un discours pathétique de cette femme à l'agonie ; et frappe l'oreille du lecteur de sa plainte.
Cette misère est d'autant plus terrible qu'elle s'énonce devant une foule indifférente.