Mes pensées m'appartiennent elles ?
Elles-mêmes ne sont pas tout à fait à l'abri des tentatives pour m'asservir. On peut ainsi, sans violence, amener un peuple à admettre une idéologie (Hitler a été élu de façon démocratique). Mon esprit n'est pas étanche à toute influence extérieure. Cette réalité qu'est le conformisme social le prouve. L'homme a naturellement tendance à se conformer à l'attitude ou au point de vue du groupe auquel il appartient. C'est ce qui explique, dans chaque classe de la société, une certaine uniformité des goûts ou des opinions politiques. Les expériences de psychologie sociale de Asch sur le conformisme, réalisées en 1951, le confirment. On montre à un groupe un dessin qui représente plusieurs lignes et on leur demande lesquelles sont égales entre elles. Parmi les membres du groupe, tous, sauf un, sont complices de l'expérimentateur qui leur a demandé de donner la même réponse fausse. La plupart du temps, le sujet, qui ignore la supercherie, sous la pression des autres, doute du témoignage de ses propres sens. Peu de gens sont capables de résister à la pression d'une opinion publique unanime contre eux. Les résistants ou les dissidents sont rarement isolés, ils reçoivent le soutien d'un groupe. Il faudrait être surhumain, ou complètement entêté, pour continuer de penser que l'on a raison seul contre tous. Bakounine, dont les positions anarchistes l'ont amené à réfléchir à la notion d'autorité, souligne la puissance de l'opinion publique: celle-ci, parce qu'il est impossible de résister au désaccord de tous, constitue un rempart contre le crime. Mais elle est aussi un frein à l'innovation. Tocqueville dénonce, lui, les inconvénients de ce pouvoir de l'opinion publique sur les esprits. Il constate en effet une absence de liberté de penser en Amérique - non en droit mais en