Mon R Ve Familier
Inspirations romantiques : femme idéalisée
Sonnet en alexandrin.
Lecture du poème
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon cœur transparent
Pour elle seule, hélas ! Cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Verlaine
Poèmes saturniens
Annonce des axes
Commentaire littéraire
I. Un contraste rêve-réalité
1 - Confusion
Le rêve accompagne la réalité de l’auteur : "je fais souvent ce rêve" -> présent d’habitude, en relation avec le déterminant démonstratif "ce rêve" qui indique que le rêve est déjà connu.
Le déterminant démonstratif "ce" met en valeur le mot "rêve", répété dans le titre et au vers 1 et placé juste avant ce qui peut être considéré comme la césure du vers 1.
Le rêve est "familier" (titre du poème) mais également "étrange et pénétrant" (vers 1) -> confusion et contradiction car ce qui est familier n'est en général pas étrange : Verlaine rêve d’un monde différent ("étrange") mais dans lequel il se retrouve ("familier").
Les allitérations en [r] et en [t] font sonner durement ce premier vers.
Rythme confus, flou : nombreux enjambements (vers 1, vers 3, vers 5...), refus de la césure à l’hémistiche, (vers 9, 13-14..), diérèses ("inflexion" à prononcer en 4 syllabes vers 14).
Le lieu et le temps ne sont pas définis.