Musset. sand. le roman à clefs
(Elle et Lui, Lui et Elle, Lui: variation sur quelques pronoms personnels-clés)
C’est d’un trousseau de romans à clefs qu’il sera question ici: une quinzaine d’années après le «drame de Venise» (décembre 1833-mars 1834), sont publiés coup sur coup, trois livres qui revenaient chacun sur la liaison orageuse entre Sand et Musset: du 15 janvier au 1er mars 1859, paraît en feuilleton Elle et Lui de George Sand dans la Revue des Deux-Mondes; à partir du 10 avril, Lui et Elle de Paul de Musset dans le Magasin de la Librairie; enfin Lui de Louise Colet au Messager de Paris à l’automne de la même année. C’est vraisemblablement un cas assez rare dans l’histoire de la littérature que ce tir groupé de romans à clefs, et assurément un cas unique que cette publication à quelques semaines d’intervalles de livres entretenant les uns avec les autres un rapport aussi étroits, comme le signale ostensiblement leur sceau pronominal appliqué à chacun sur leur couverture. Or, c’est précisément cette valse à trois temps de pronoms personnels qui nous intéresse ici: leur fortune extraordinaire principalement , mais plus encore leur fonction ambiguë dans l’économie du roman à clef. En choisissant pour titre de son roman deux pronoms personnels, et non, comme cela lui était arrivé si souvent auparavant, des prénoms de personnage , George Sand a, semble-t-il, voulu marquer l’originalité de son entreprise. De fait, Elle et Lui, répond paradoxalement assez bien à la définition que Musset donne de sa Confession d’un enfant du siècle en 1836, dans le prolongement de laquelle se situe justement l’ouvrage de George Sand:
Ces sortes d’ouvrages, intéressants ou non, sont en dehors de l’art, il me semble; pas assez vrais pour des Mémoires à beaucoup près et pas assez faux pour des romans; le lecteur doit chercher en vain l’attrait d’une réalité qui lui échappe à chaque instant […].
Nous ne voulons pas dire que l’ouvrage de George Sand rentre dans le genre de la