Mythologie du ticket de métro
A entendre « ticket de métro », l’oreille retient surtout « métro ». Il nous faut fouiller un peu notre mémoire collective et prendre à rebours apocope et aphérèse pour remonter à l’origine du mot : de métro à métropolitain, puis de métropolitain à chemin de fer métropolitain. Symbole du progrès, le métropolitain s’engouffre en ville pour la première fois le 19 juillet 1900 à l’occasion de l’exposition universelle. A l’image de celle-ci, il joue le rôle d’une vitrine qui flatte l’égo parisien. On ne peut en effet parler du métro sans parler de la capitale de la France car il est son emblème. Avoir un ticket de métro dans sa poche devient une marque de distinction entre le parisien et le provincial, qui se décline en une dichotomie chic/rustre. Souvenons-nous de cette publicité qui disait : « T’as le ticket chic, t’as le ticket choc, tic tac toc ». Le ticket véhicule une appartenance culturelle et sociale forte. Il signifie la modernité et l’indépendance. Ce petit bout de carton est aussi un passeport d’entrée dans un autre monde, une sorte de rite de passage. Si l’on ne parle pas de « billet » mais de « ticket », c’est parce qu’il porte en lui le sème de la légitimité. Qu’est-ce qu’un ticket si ce n’est la preuve qu’on s’est acquitté des droits d’entrée ? Le posséder donne une contenance, on appartient ainsi à un groupe, celui des « habitués du métro » dont parle Blaise Cendrars dans Bourlinguer. On pénètre grâce à lui dans un espace souterrain aux frontières clairement définies. Pour Zazie, c’est l’univers du monde des adultes ; pour le poinçonneur des lilas, c’est l’aliénation d’un monde sans lumière. Le poinçonneur de Gainsbourg est peu à peu remplacé par des machines qui avalent le ticket et y apposent leur marque, synecdoque de l’homme englouti dans le ventre de la terre et qui en ressort marqué de son sceau. Le ticket de métro est métonymique et polysémique. Toutefois, en fin de vie, privé de son utilité première, il