Plus que tout autre créateur artistique, l'architecte est solidaire du milieu où il vit, de la société dont il exprime le caractère, qu'il travaille en conformité avec elle ou en opposition avec son temps. La création architecturale a ses exigences qui limitent les possibilités infinies de l'imagination ; elle ne peut négliger les structures politiques, sociales et économiques dont elle n'est souvent que l'interprète pour définir et créer, en rapport avec elles, le cadre de vie adapté aux membres de la communauté. Elle n'est pas moins tributaire, sur le plan esthétique, des techniques et des matériaux. Toute l'histoire de l'architecture tend à prouver combien les formes et les décors sont liés aux matériaux et combien grandes sont les pesanteurs qui retardent l'adaptation de l'esthétique architecturale à des matériaux nouveaux, eux-mêmes liés aux ressources, aux techniques, aux croyances et aux formes de pensée d'une société ou d'un moment de civilisation. L'architecte, en ce sens, est d'abord « l'homme de son temps », l'homme d'une situation politique, d'un moment historique.
Statut de l'architecte dans le monde antique
Les architectes des grands empires
Les structures politiques, sociales et religieuses des grands empires des IIIe et IIe millénaires avant notre ère ont déterminé la fonction de l'architecte. Il n'est d'architecture que religieuse, funéraire ou princière, car le roi ou le pharaon sont d'abord les serviteurs des dieux. L'architecture est donc essentiellement religieuse et royale ; elle doit fournir au dieu et au roi le cadre où ils pourront le mieux remplir leur fonction. L'architecte ne se distingue pas des fonctionnaires chargés d'administrer le pays ; il n'a pas de fonction indépendante, et tout grand personnage, quand ce n'est pas le roi lui-même, peut prendre ou recevoir la charge de faire construire l'édifice nécessaire à l'État. Car les règles de cette construction sont fixées par les théologiens, les prêtres, les ministres du culte. Les