Naissance de la poèsie engagée
D'entrée de jeu, il faut soulever une difficulté de taille: la notion de littérature engagée est une expression inventée au XXe siècle, et à ce titre il s'avère plutôt hasardeux de l'appliquer à des époques antérieures. Il convient par conséquent de définir ce que l'on entend par littérature engagée (d'où découlerait l'idée de poésie engagée), et l'exemple de Sartre paraît à cet égard assez parlant (d'autant que son opposition avec Camus sur le sujet est restée célèbre). Mais avant les polémiques de la philosophie existentialiste, l'engagement de l'écrivain n'a jamais eu un tel caractère d'exigence absolue et l'idée d'un poète engagé aurait fait rire. Il suffit pour s'en convaincre de rappeler que jusqu’au XVIIIe siècle, la poésie se définissait elle-même sans ambiguïté comme une simple écriture mesurée. Jaucourt, dans l’Encyclopédie, n’hésite pas : « Poète : écrivain qui compose des ouvrages en vers ». Ceci posé, et avec toute la prudence requise, on peut alors essayer de transposer cette idée moderniste de la responsabilité du poète à d'autres époques de la littérature universelle.
De façon générale, l'engagement suppose nécessairement un choix public, une prise de responsabilité et donc de risque. Il est dans son essence même subversif, car celui qui s'engage transgresse la règle implicite qui met le citoyen sous la férule du pouvoir du moment. À noter que beaucoup de grandes œuvres peuvent être considérées comme subversives, notamment lorsqu'elles sont produites en des temps particulièrement tourmentés et nécessitant la défense de certaines idées ou d'idéaux en danger.
Les causes d'engagement sont nombreuses : elles peuvent être philosophiques, c'est-à-dire que