Naissance de la tendance
Chaque saison, retour de collections, les magazines féminins l’annoncent à grand renfort d’images et d’interviews experts, de packshots et démonstrations do it yourself : ce printemps, l’œil sera bleu électrique ou vert canard, le teint rose et la bouche orange. L’hiver d’hier, c’était fumeux et mat. On verra aussi du violet, des fuchsias, sans doute beaucoup de gris sur les ongles. Et effectivement, par quelque extraordinaire simultanéité, les marques de cosmétiques y iront toutes en même temps de leurs fards cobalt, leurs rouges à lèvres corail et leurs poudres cuisse de dinde émotionnée. Tant pis pour les fans du marron, elles n’auront que leurs yeux nus pour pleurer. Mais quid, comment se fait-ce ? Doit-on soupçonner quelque espionnage industriel ? ou pire, conciliabules, concussions, tractations de l’ombre (à paupières) ?
Vu la concurrence à laquelle se livrent lesdits acteurs du secteur (Dior s’entendant secrètement avec Chanel ? Ah, ah, ah !), l’hypothèse paraît invraisemblable. La réponse est plus simple, qui tient en trois mots : bureaux de style. Sauf à avoir les moyens de salarier une équipe d’agents décrypteurs et de sociologues avertis, formés à anticiper ce dont les femmes auront envie dans une perspective à deux ans, chacun, à des degrés divers, s’en remet en effet à des consultants extérieurs ainsi nommés. Ce qui, puisque tout le monde s’abreuve aux mêmes sources, produit évidemment les mêmes objets. Pourtant, à la question « d’ou vient votre tendance ? », la chose ne s’avoue pas facilement. Elle semble même tabou. « Du street style », prétendent ceusses qui prennent l’interlocuteur pour une pomme. « De l’exceptionnelle vision de X… », assurent les maisons qui se la pètent parce qu’elles ont un chef maquilleur appointé et/ou un couturier associé. « Du service marketing », disent les débutants dans l’art de la communication. « De notre bureau de style », admettent enfin les plus