Nietsche (humain trop humain)
« Aussi longtemps que nous ne nous sentons pas dépendre de quoi que ce soit, nous nous estimons indépendants : sophisme qui montre combien l’homme est orgueilleux et despotique. Car il admet ici qu’en toutes circonstances il remarquerait et reconnaîtrait sa dépendance dès qu’il la subirait, son postulat étant qu’il vit habituellement dans l’indépendance et qu’il éprouverait aussitôt une contradiction dans ses sentiments s’il venait exceptionnellement à la perdre. Mais si c’était l’inverse qui était vrai, savoir qu’il vit constamment dans une dépendance multiforme, mais s’estime libre quand il cesse de sentir la pression de ses chaînes du fait d’une longue accoutumance ? S’il souffre encore, ce n’est plus que de ses chaînes nouvelles : le « libre arbitre » ne veut proprement rien dire d’autre que ne pas sentir ses nouvelles chaînes. »
Nietzsche, Humain trop humain II – Le voyageur et son ombre
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.
Corrigé
Qu’est-ce que le libre arbitre ? Est-ce une donnée indubitable de la conscience, un axiome ou notion commune comme Descartes l’admettait dans ses Principes de la philosophie ou bien une illusion comme Spinoza a tenté de le démontrer dans son Éthique ? Tel est le problème traditionnel du libre arbitre dont Nietzsche traite en apparence dans cet extrait du Voyageur et son ombre [n°10].
C’est que Nietzsche se rapproche de Spinoza pour critiquer le libre arbitre. Il est une croyance manifestant l’orgueil et le despotisme de l’homme.
Or, cette critique du libre arbitre soulève un problème. C’est qu’en effet elle présuppose à la fois que l’homme est victime d’une illusion mais en même temps elle implique que l’on puisse se sortir de l’illusion sans quoi la critique n’est pas possible de sorte qu’elle semble