Les différents narratologues donnent habituellement deux définitions complémentaires du récit, l’une formelle et l’autre pragmatique, ces deux aspects recouvrant partiellement ce que Herman (2002) désigne avec les termes "narrativehood" (narrativité intrinsèque du récit) et "narrativity" (jugement de narrativité par un interprète). La première repose sur la description du récit comme un type de représentation organisant deux niveaux de séquentialité. Ainsi, pour Emma Kafalenos, le récit est la « représentation séquentielle d’événements séquentiels, fictionnels ou autres, dans n’importe quel medium » (Kafalenos 2006 : viii). Cette définition insiste à la fois sur la grande variété des supports du récit et sur l’importance de tenir compte d’un double niveau de séquentialité propre à toute narration, niveaux désignés, suivant les terminologies, par les termes histoire-récit (Genette 1972), ou raconté-racontant (Bremond 1973), ou fabula-sujet (Tomachevski 1965). En outre, si l’on associe souvent le récit à ses manifestations littéraires ou romanesques, il est important de ne pas réduire sa portée aux seules productions écrites et fictionnelles. Ainsi, même si la narratologie est une discipline qui a souvent été associée institutionnellement aux départements d’études littéraires, le récit a également fait l’objet de recherches portant sur ses manifestations spécifiquement orales (cf. Labov 1978, Ochs & Capps 2001), iconiques (cf. Baroni 2007 : 315-397), et multimédiatiques (cf. Ryan 1991 ; 2006). Ainsi que l'affirmait Roland Barthes:
"C’est d’abord une variété prodigieuse de genres, eux-mêmes distribués entre des substances différentes, comme si toute matière était bonne à l’homme pour lui confier ses récits : le récit peut être supporté par le langage articulé, oral ou écrit, par l’image, fixe ou mobile, par le geste et par le mélange ordonné de toutes ces substances ; il est présent dans le mythe, la légende, la fable, le conte, la nouvelle, l’épopée, l’histoire, la