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Anne Hébert transpose dans Kamouraska certaines tensions idéologiques (par rapport au passé) qui traversent le discours social des années 1960-1970, contexte sociohistorique dans lequel émerge ce roman. Un désir paradoxal de rompre avec le passé et de renouer avec son unité originelle, passé interprété à la fois comme source de l’aliénation présente et comme origine des premières révoltes nécessaires à la prise de conscience actuelle, imprègne ainsi non seulement les intentions de l’auteure et le discours de l’héroïne-narratrice, mais également la structure énonciative et temporelle du roman.
Le roman Kamouraska [1] d’Anne Hébert, récit d’une passion intériorisée qui met en scène un entrelacement de voix narratives et prend appui sur des mythes sacrés, a fait jusqu’à ce jour l’objet de nombreuses études, principalement dans les champs de la psychanalyse, de la narratologie et de la mythocritique. Cependant, peu d’entre elles se sont attardées à la dimension sociale de ce roman publié en 1970, mais dont l’action se situe au xixe siècle. Or la sociocritique, qui étudie les rapports entre le texte littéraire, en tant que représentation et réalité linguistique, et le contexte sociohistorique lui servant de « principe interne de structuration [2] », pourrait jeter un éclairage nouveau sur ce récit animé par une conscience historique. Cette approche implique une analyse immanente de la dimension sociale de l’oeuvre et tient compte à la fois de sa littérarité (son organisation interne, ses réseaux de sens, ses modalités discursives) et de sa signification sociale, culturelle et idéologique. Adoptant une méthodologie plurielle, elle puise autant dans les champs de la sémiotique littéraire, de la narratologie et de la critique thématique que dans ceux de l’histoire et de la recherche sociologique.
Selon la conception que je privilégie, tout roman se nourrit des contradictions, des ambiguïtés et des tensions idéologiques présentes dans le discours social de