paragraphe dissert beckett
Le théâtre et son rapport à la réalité pose la question du genre et de l’époque dans lesquels il s’inscrit. Mais c’est bien de la représentation de la vie, d’une société ou d’une condition dont il s’agit. Poser la question du miroir tendu au spectateur, c’est s’interroger sur l’éventuelle identification de ce dernier avec les personnages représentés sur scène. Le théâtre de l’absurde, art dès lors marqué par le traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale, renvoie aux spectateurs le reflet d’un monde déjà perdu, déshumanisé. A l’absurdité des intrigues s’ajoute celle des personnages et du rapport qu’ils entretiennent avec l’instant présent. Chez Samuel Beckett par exemple, les personnages qui constituent la pièce En attendant Godot tentent constamment d’échapper à l’attente de ce Godot qui ne viendra jamais. Vladimir et Estragon se mettent ainsi constamment en scène verbalement ou physiquement afin de faire passer le temps. Et à cette attitude correspond la structure de la pièce en deux actes qui se révèlent identiques de par les didascalies qui les introduisent : « Même heure. Même endroit. (…) Chapeau de Lucky à la même place ». Cette répartition temporelle et spatiale invalide les attendus que sont la scène d’exposition, l’action et le dénouement et renvoient de fait à l’attente absurde dans laquelle s’inscrivent les personnages de la pièce. Mais d’autres dramaturges, bien avant Samuel Beckett, Eugène Ionesco ou encore Albert Camus, ont pu souligner les troubles éprouvés par les hommes faisant ainsi face à la réalité de leur condition.