Pathos et discours
Michael Rinn
Les études rhétoriques, littéraires et linguistiques ont souligné depuis plusieurs années l’importance que revêtent l’usage et la gestion des émotions dans le discours, rappelant la pérennité d’un concept élaboré depuis l’Antiquité grecque : le pathos1. Défini par Aristote comme un langage-action, le pathos est conçu comme l’une des techniques d’argumentation destinées à produire la persuasion, cela en émouvant les récepteurs2. Les critiques de la raison pratique n’ont cessé de dénoncer la dimension manipulatrice inhérente à l’argumentation par le pathos, constatant son écart fondamental avec le raisonnement formel centré sur la quête de la vérité objective. Or interrogeant ce type d’argumentation dans les effets concrets des discours artistique, politique ou journalistique, l’analyse du pathos permet de reconnaître la problématique essentielle de la culture sociale, celle qui consiste à favoriser ou, au contraire, à nier la logique singulière d’une identité et d’une différence. La réflexion méthodologique paraît urgente, compte tenu de la montée en puissance des nouveaux discours identitaires, communautaristes, négationnistes et racistes. Empruntant aux passions communes, ces discours persuasifs cherchent à réduire la pluralité des valeurs culturelles nécessaires à la vie en société. Cet ouvrage collectif, dressant l’état des lieux de la recherche, tente de mesurer cette problématique éthique et esthétique pour nos sociétés contemporaines. Réparti en quatre parties, il propose d’abord une analyse des modèles théoriques pour présenter les enjeux du pathos dans le cadre de la pensée occidentale. La deuxième partie centrée sur le fonctionnement argumentatif du pathos cherche à définir les genres de discours dans lesquels s’articulent les émotions de façon exemplaire. Par ailleurs, plusieurs travaux sont consacrés à la critique des textes pour élaborer une typologie des figures du discours pathétique. Enfin, la dernière partie, sollicitant des