Penser et parler
Au premier abord, les verbes "penser" et "parler" semblent renvoyer à deux capacités distinctes de l'être humain. D'un côté une activité de l'esprit qui aurait pour fonction de former et combiner des idées, de construire des raisonnements. Penser, ce serait alors appliquer son activité consciente à un domaine précis, réfléchir ou exercer sa capacité de juger. De l'autre côté une capacité à articuler des paroles, à prononcer les sons ou les mots du langage qui aurait quant à elle fonction d'exprimer la pensée ou les sentiments de manière sensible, c'est-à-dire vocalement ou encore gestuellement.
Intuitivement, l'ordre d'apparition des deux termes fait donc sens. Il faudrait d'abord penser, pour ensuite exprimer cette pensée en acte, la communiquer à autrui. Ainsi, le fait de parler apparaît comme dépendant de celui de penser, dont il ne serait que la manifestation. Pourtant, est-il possible de s'en tenir à une telle conception ? La parole n'est-elle que le signe sensible de la structure logique de la pensée, autrement dit à une structure implicite qui serait celle du raisonnement ? doit-on superposer une structure explicite qui serait celle du discours ? Ne pouvons-nous pas d'une part réfléchir l'acte de pensée sans recourir à celui de parler, et d'autre part ce dernier n'a-t-il pas une autonomie, ou plus précisément, n'est-ce pas le "parler" qui englobe le "penser" ?
Parler exprime un au-delà du langage. Il y a plus dans la parole doublement articulée de l'homme que dans un langage que l'on pourrait qualifier d'animal. Or, si l'animal ne parle pas, est-ce à dire qu'il ne pense pas ? Ne doit-on pas plutôt distinguer différentes formes de pensées, de sorte que la spécificité du penser humain serait tributaire des formes du langage et qu'il serait effectivement pertinent de comprendre le penser en rapport au parler ?
Penser et parler doivent donc être étudiés dans une perspective génétique où, sans peut-être aller jusqu'à se confondre, ils