Peut on considérer l'art comme un langage
Platon oublie peut-être que l'art, même celui qui reproduit, qui imite au plus près la réalité (par exemple, le réalisme des natures mortes) exprime quelque chose. L'œuvre de l'artiste n'est pas une simple copie mais reste une expression artistique : d'un côté, l'artiste s'exprime à travers son œuvre, mais le spectateur attends aussi d'une œuvre qu'elle "s'exprime" à lui. (L'illustration est l'expression "cela me parle"). Nous pouvons dire alors que l'art est un langage symbolique. Considérons un artiste et son œuvre, par exemple Van Gogh : "Au lieu de rendre exactement ce que j'ai devant les yeux, je me sers de la couleur le plus arbitrairement pour m'exprimer plus fortement... Je voudrais faire le portrait d'un ami artiste qui rêve de grands rêves, qui travaille comme le rossignol chante... Cet homme sera blond. Je voudrais mettre dans le tableau mon appréciation, mon amour que j'ai pour lui...Derrière la tête, au lieu de peindre le mur banal du mesquin appartement, je peins l'infini, je fais un fond simple du bleu le plus riche, le plus intense que je puisse confectionner, et par cette simple combinaison la tête blonde éclairée sur ce fond bleu riche, obtient un effet mystérieux comme l'étoile dans l'azur profond." (À Théo, août 1888)
On peut donc dire que l'artiste s'exprime à travers un langage symbolique de couleurs, de sons, de mouvements... Dans le café de nuit, le jeu des couleurs (jaune sale, rouge brutal...) tend à donner l'impression d'un univers souillé, d'une déchirure morale; le jeu des formes (personnages aplatis, rapetissés, semblables à des spectres, espace déformé) fait sentir, revivre l'irréalité de cet univers, l'impression d'ivresse et de vertige.
"Dans mon tableau le café de nuit, j'ai cherché à exprimer que le café est un endroit où l'on peut se ruiner, devenir fou, commettre des crimes" (À Théo, septembre 1888). Au delà de la copie et grâce à l'art, l'artiste révèle un monde, le rend plus dense, l'immortalise :