Peut on dire que l’homme a une place à part dans la nature ?
A – Principe général d’une telle conception de l’homme
Seul un être supérieur à l’homme lui-même pourrait légitimer un discours instituant celui-ci comme créature spécifique dans l’ordre de la nature. C’est pourquoi dans les récits mythiques l’homme apparait comme cet être créé « à part », élu par un être supérieur (les dieux, dieu ou un être intermédiaire défiant les dieux) pour occuper une place spécifique dans la hiérarchie des êtres. Il est « voulu » par un être créateur qui l’a conçu tel qu’il est. Il a donc une définition et un « programme » auquel il est censé correspondre. On mesure dès lors à quel point on a là une racine anthropologique profonde, et solide, puisqu’elle peut constituer le point de départ unique de toute conception de l’homme à travers l’histoire.
B – Il ne s’agit pas uniquement d’une valorisation de l’humanité
On serait tenté de voir dans ce genre de fondement un anthropocentrisme aisé, permettant à l’homme de se valoriser à bon compte. Mais la réalité est plus complexe : si l’homme y est voulu par un être supérieur, il est aussi le résultat d’un conflit avec la source dont il est issu. Tous les mythes ont à résoudre cette ambiguïté inhérente à l’humanité : l’homme semble être un mélange instable entre les hauteurs célestes et les bassesses animales. Par exemple, les mythes qui mettent en scène les raisons profondes pour lesquelles l’homme a à travailler dans ce monde désignent l’homme comme un être simultanément décevant pour l’être qui l’a créé (dans la Genèse), ou en situation d’infraction vis-à-vis des dieux. Dans le mythe de Prométhée en particulier, tel qu’on peut le lire dans le Protagoras de Platon, on peut remarquer comment on prend soin de montrer que l’homme n’est, au départ, rien de plus qu’un être générique, une sorte de matrice biologique informelle, et que c’est à la suite d’un oubli, d’un manquement, qu’il se trouve doté, par infraction, d’aptitudes qui