Peut-on reprocher à la philosophie d'être inutile
L’utilité semble un atout, une vertu, une qualité : comment pourrait-on reprocher à la philosophie d’être utile ? Cela supposerait de parvenir à considérer l’utilité comme un défaut.
Pour que l’utilité soit un défaut, il faudrait qu’elle soit comparée à une qualité beaucoup plus haute que l’utilité, de sorte qu’à côté l’utilité serait le manque d’une chose bien plus éminente, excellente.
Mais cette chose plus excellente, si elle n’est pas utile, pourra-t-elle se maintenir et exister, alors qu’elle ne sert à rien ? Y a-t-il une place dans le monde utilitaire pour les choses trop élevées ? La place de la philosophie dans le monde n’est-elle pas aussi problématique que le retour de cet homme dans la caverne après qu’on l’ait délivré de ses chaînes ? N’est-elle pas aussi problématique que l’albatros de Baudelaire posé sur le pont du navire ? Si ce sont les meilleurs qui s’élèvent au plus universel, ne peuvent-ils espérer d’autre sort qu’un destin tragique ? L’articulation du particulier et de l’universel pose résolument problème.
Développement
Pour pouvoir reprocher à une philosophie d’être utile, il faut comprendre le ‘être’ en un sens très précis : au sens d’une définition essentielle, et non au sens d’une attribution contingente. Car être utile au sens d’une définition essentielle, voilà qui est une qualité pour un marteau, un stylo, une clarinette : être inutile pour un marteau serait n’avoir plus de manche, pour un stylo plus d’encre, pour une clarinette être bouchée. Il est normal pour un outil d’être défini par son utilité, car un outil n’a pas d’autre raison d’être que son utilité. En dehors de son utilité il n’a plus aucune justification. On ne peut donc pas reprocher à un outil d’être utile, ce serait une absurdité.
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Par contre, la vérité si elle est la vérité n’a pas à être utile, il lui suffit d’être la vérité pour avoir en elle-même sa raison d’être. Un discours qui se définit par son utilité n’a pas d’autre raison d’être que son