Explication Texte d'Alain, « C'est le lien du passé au présent... » Peut-on être un homme en fuyant le passé? Certains ont tellement en horreur le passé qu'ils semblent le fuir ou du moins mettre un point d'honneur à le dénigrer. Commémorer est selon eux ce qui empoisonne l'existence. Garder un œil sur le passé nous interdirait de créer et d'innover. D'autres au contraire voient dans le passé un absolu indépassable. Ces deux attitudes en apparence opposées sont peut être plus semblable qu'on ne le pense. Ainsi, Alain, dans l'un de ses nombreux propos, ici daté du 5 janvier 1928 (Propos n°LXX, dans les Propos sur l'Education, « Quand je lis Homère ».) développe une thèse plus réaliste qui peut réconcilier ses deux points de vue opposés: selon lui c'est parce que l'homme commémore ses prédécesseurs qu'il s'humanise. Mais, il y a donc des objections qui se présentent dès l'énoncé d'une telle thèse: n'accorde-t-elle pas trop en fait au traditionalisme passéiste: peut-on vivre sans oubli? Et si on commémore: n'est-ce pas tout ou rien: le tout de tous les prédécesseurs ou rien? La commémoration n'est-elle pas ainsi feinte et hypocrisie, amour faux, puisque la mémoire est sélective? Non dirait Alain. Il développe sa thèse en trois temps. D'abord il l'énonce dans les trois premières lignes, en l'opposant à une autre thèse. Ensuite, il l'explique en précisant ce qu'il entend par commémoration et en montrant qu'elle est bien en fait utile à l'homme. Enfin, il la pousse jusqu'à son maximum en montrant que la commémoration est non seulement utile, mais aussi indispensable, en procédant à une sorte de démonstration par l'absurde, qui montre ce qu'il en serait si l'on ne commémorait pas. Tel est l'ordre du texte que nous allons suivre dans notre explication, pour comprendre dans quelle mesure il permet de répondre aux objections mentionnées ci-dessus problèmes posés. Nous pourrons ainsi comprendre son intérêt philosophique. Lisons. Remarquons d'abord combien sa thèse dans ses