À première vue, on pourrait croire que l'art n'est qu'un divertissement. En effet, l'opinion populaire veut que l'art soit un loisir ; il est donc assimilé à l'oisiveté et à la perte de temps. Or, le mot « art » est porteur de deux sens : en premier lieu, c'est le savoir-faire, l'ensemble de moyens et de procédés réglés qui tendent à une certaine fin. En second lieu, les Beaux-Arts regroupent chacun des modes d'expression de la beauté (la peinture, la poésie, le cinéma...) ; autrement dit, l'art, c'est l'expression par l'œuvre de l'homme d'un idéal esthétique. On pourrait alors considérer que le double-sens de ce mot n'est pas anodin et qu'il peut suggérer une certaine utilité de l'art (dans son sens de Beaux-Arts) outre le fait qu'il permet l'expression de la beauté, ce qui peut, pour le plus grand nombre, sembler inutile. Peut-on alors regarder l'art comme un simple divertissement qui ne sert à rien, ou doit-on le considérer comme un moyen de s'humaniser ? Car, si l'art est inutile, pourquoi l'homme est-il artiste depuis la naissance de l'humanité ? Et pourquoi, dans les périodes les plus sombres de l'Histoire, les opprimés s'adonnent-ils plus que jamais à l'art ? Que peut-on alors qualifier d'utile ?

Dans un premier temps, considérons qu'il pourrait être reproché à l'art d'être inutile, c'est-à-dire de ne pas être un moyen au service d'une fin extérieure. Ainsi, nous assimilons l'utile à quelque chose qui nous aide à atteindre un but précis. C'est là le but de l'objet technique, qui n'existe en effet que par son utilité. C'est elle qui le définit ; par exemple, un parapluie sert et ne sert qu'à se protéger de la pluie. Pour Bergson, l'objet technique est « un organe artificiel qui prolonge l'organisme naturel ». En revanche, l'œuvre d'art ne partage pas cette fonction de l'objet technique. Elle est, selon Kant, la « belle représentation d'une chose ». Elle a donc pour but de plaire par sa beauté ; autrement dit, elle est faite pour être belle. Elle n'a