Peut-on se défaire de ses illusions ?
Il y a une force propre de l’illusion qui fait qu’on la prend presque invinciblement pour la vérité. On ne peut être dans l’illusion qu’en étant persuadé d’être dans la vérité. Il y a une présence et une prégnance de l’illusion qui mime presque à la perfection l’évidence de la vérité. Ainsi, des peintures en trompe-l’œil donnent toute l’apparence de la chose réelle, et un peintre se vantait de s’être lui-même cogné en tentant de passer par une porte qu’il avait auparavant peinte dans un mur. La mésaventure de l’illusionniste illusionné consacrerait la victoire à l’illusion, capable de tromper même celui qui l’a produite.
Une illusion n’est pas forcément une erreur, toute erreur n’est pas une illusion. Le trait distinctif de l’illusion, c’est qu’elle flatte nos désirs et sans doute en dérive (Freud). L’illusion, c’est le réel teinté aux couleurs de nos désirs. L’illusion corrige la réalité pour la rendre conforme à nos désirs. D’où sa force : alors que l’erreur réfutée disparaît (Spinoza), une illusion réfutée cent fois peut fort bien se maintenir. Tel est le cas de la religion selon Freud, qui se maintient malgré toutes les réfutations qui en ont été faites depuis le siècle des Lumières,