Pornographie et condition féminine : cette question qui divise les féministes

Par Michaella Sinapin
L’histoire du féminisme ne pouvait pas ne pas croiser celle de la pornographie. Les mouvements féministes et les industries pornographiques ont de facto connu une ascension parallèle, due entre autres au souffle de libération sexuelle qui parcourut les sixties, en France et Outre-Atlantique. Pour autant, les relations entre ces deux univers ne furent pas des plus simples. Retour sur l’une des grandes questions qui divisa et continue encore de diviser les féministes. ********* Dès les années 70, l’arrivée massive des films pornographiques dans les salles de cinéma, sur les écrans de télévision, puis leur consommation accrue et décomplexée, n’échappait à personne. Et surtout pas à l’État français qui choisit, dès 1975, d’attribuer l’étiquette X à ces productions controversées. De leur côté, les militants et militantes féministes qui s’emparaient de la question de la sexualité féminine ne pouvaient pas rester indifférents au déploiement de ce genre, qui devenait de plus en plus visible et demandé. En France, Emmanuelle (1974) ne quittait alors plus le box-office et le corps, la sexualité des femmes se voyaient projetés sous les feux de la rampe. Les rapports entre les groupes militants et le monde de la pornographie allaient dès lors devenir vifs, passionnels et conflictuels, au point de créer des divisions radicales au sein même des regroupements féministes. C’est dans les pays anglo-saxons que l’affrontement fut sans aucun doute le plus violent, à en croire cette appellation célèbre : la Feminist Sex Wars. Si les féministes parvenaient à se mettre d’accord sur des questions d’ordre politique, social, professionnel, les questions intimes liées au corps féminin et à la sexualité ne cessaient – et ne cessent encore aujourd’hui – de semer le trouble, puis la discorde au cœur de mouvements pourtant réunis autour d’une même finalité.