Poèsie
(1621-1695)
La cigale et la fourmi La cigale ayant chanté Tout l’été, Se trouva fort dépourvue Quand la brise fut venue :
5 Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la fourmi sa voisine, La priant de lui prêter
10 Quelque grain pour subsister Jusqu’à la saison nouvelle. « Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l’août, foi d’animal, Intérêt et principal. »
15 La fourmi n’est pas prêteuse : C’est là son moindre défaut. « Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. - Nuit et jour à tout venant
20 Je chantais, ne vous déplaise. - Vous chantiez ? j’en suis fort aise : Eh bien ! dansez maintenant. »
Fables, livre premier (première fable)
ALPHONSE DE LAMARTINE
(1790-1869)
Le Lac
1 Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges Jeter l’ancre un seul jour ?
5 Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre Où tu la vis s’asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ;
10 Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ;
Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes Sur ses pieds adorés
Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
15 Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère
20 Laissa tomber ces mots : (L sous le « entre » e et f de le et flot)
« Ô Temps, suspends ton vol ! et vous, heures Suspendez votre