Poétique du personnage proustien
Introduction :
A la Recherche du Temps Perdu, œuvre colossale de Marcel Proust publiée de 1913 à 1927, a sans conteste marqué profondément la littérature du XXe siècle, et reconsidéré une tradition séculaire. En effet, si, lorsque qu’il rédige les 3000 pages de la Recherche, la littérature est depuis longtemps passée au rang d’art, Proust est le premier à confondre véritablement écriture et création artistique. Selon l’auteur, un roman n’est pas le miroir d’un « moi social » de l’écrivain, au sens de Sainte-Beuve, mais est au contraire le complexe reflet de son intériorité et de sa vision subjective et artistique du monde. L’œuvre est ainsi le seul accès à l’authentique personnalité de l’artiste. Cependant, en s’interrogeant ainsi sur la condition artistique de l’écrivain c’est-à-dire sur la manière dont il doit passer de la vie à l’art pour pouvoir se prétendre artiste, Proust ne peut échapper à une contradiction : comment peut-il à la fois, en tant qu’écrivain, s’inscrire dans la tradition littéraire et, en tant qu’artiste, faire preuve de génie, c’est-à-dire d’originalité ? Comment peut-il utiliser des solutions esthétiques traditionnelles qui risquent de ne pas être adaptées à sa vision particulière du monde ? Ces univers singuliers, propres à chaque artiste, peuvent par ailleurs être considérés comme des ensembles de signes en gravitation autour de figures humaines éthérées : les personnages. Aussi semble-t-il intéressant de déterminer dans quelle mesure la poétique du personnage proustien s’oppose à l’esthétique traditionnelle de type balzacien. En particulier, comment Proust, auteur et artiste, dernier grand écrivain du XIXe siècle et premier du XXe siècle, s’inscrit-il entre tradition et modernité pour ouvrir la voie à de nouvelles formes littéraires ? Il convient ainsi en premier lieu d’affirmer que les personnages Proustiens, de par leur caractère flou et leurs