Proust à la recherche du temps perdu
« Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière.
Dans son œuvre A la Recherche du Temps Perdu, Proust, à travers des digressions qui n’en n’ont que l’apparence, nous convoque en réalité de façon récurrente à une réflexion prégnante sur la nature de sa recherche, son origine, ses modalités, son but ultime. Tout commence, on le sait, à la suite d’un fait a priori anodin - la dégustation d’une madeleine,- que le narrateur décrit pourtant d’un point de vue quasi scientifique et qu’il nommera par la suite « expérience de mémoire involontaire ». Nous ne sommes qu’au tout début de l’œuvre, mais déjà rien ne sera plus comme avant. L’innocente madeleine a provoqué chez le narrateur un appel profond, une prise de conscience dramatique, dont la complexité et l’enjeu sont ainsi évoqués : « Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? Pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière. » En quelques lignes à peine, nous voici nous aussi entraînés dans cette énigme et cette quête, l’auteur a instillé en nous le trouble, l’incertitude, l’anxiété presque, qu’on ressent quasiment physiquement dans cette phrase qui se questionne elle-même.
Le « je » du narrateur a disparu, le ton est solennel (« grave incertitude »), nous sommes à l’aune de