Puisque tout passe / rilke
J’entends Rainer Maria Rilke me souffler son poème et la robe de la mariée se transforme mentalement en dentelle de feuilles-nervures. Je pense sans aucune tristesse et avec sérénité même "ils se marient et pourtant ils vont mourir". À l’heure où la mort - si possible violente, soudaine, irréfléchie- s’expose partout, où les vanités se banalisent, il faut tenter la méthode douce et légère pour apprivoiser notre condition mortelle. Sans pathos. Pénétrer le sujet par le futile, le décoratif, et laisser le memento mori nous infuser lentement.
Je suis une dendrolâtre, de ceux qui croient à une homologie homme-arbre. Alors il m’a paru évident d’effeuiller la feuille jusqu’au squelette de nervures - ce qui, soit dit en passant lui évite de finir poussière-, broder le tout en dentelle légère ...
C’est comme une nouvelle matière qui se crée, qui, en citant Artaud, serait
« l’étalon d’un néant qui s’ignore ». Cette série de pièces, regroupées sous le titre
« Puisque tout passe… », pourrait s’appeler aussi Light Death," la mort à la légère", et peut-être aussi, magnifique polysémie de l’anglais, "la mort de la lumière".
La lumière, qui joue un rôle important dans mon travail sans en être forcément le fil conducteur. En effet, depuis toujours, j’ai été poussée par la croyance que toute beauté est imparfaite, incomplète et impermanente. C’est pourquoi j’ai trouvé ma famille spirituelle dans le concept de wabi sabi, qui est cette idée japonaise d’un Beau AntiIdéal, où sont recherchées simplicité, pureté, modération, générosité et humilité.
J’espère que l’on perçoit une forme d’humilité dans ce travail très long et délicat de sculpture de feuilles. L’orgueil d’Arachnée et la persévérance de Pénélope mêlés dans un Slow Art. Les Voiles sont d’ailleurs comme des kakemono accrochés au fond d’un tokonoma, livrés à une contemplation qui se joue du temps.