Rhinoceros
Amorce et présentation du texte : Au XXe siècle, le théâtre de l'absurde se lance dans la recherche de la nouveauté. Ainsi, Ionesco cultive la volonté de témoigner, de dénoncer et de contester. En réaction à l'invasion de la Roumanie par l'idéologie nazie, dans Rhinocéros, en 1959, il met en scène le processus du totalitarisme sous forme métaphorique : les habitants d'une petite ville se sont tous transformés en rhinocéros ; seul Bérenger, incarnation symbolique du « résistant », refuse cette situation. À la fin de la pièce il prononce un ultime monologue...
Lecture et annonce des axes : Dans ce monologue à cheval entre tradition et modernité théâtrales, Ionesco met en scène la lutte tragique de l'individu contre le groupe et l'absurde de la condition humaine, et révèle sa vision de l'homme et du monde.
I. Un monologue théâtral entre tradition et modernité
1. La reprise de la tradition du monologue délibératif
• Ionesco reprend la tradition théâtrale du monologue, forme d'expression de la solitude, qui illustre une situation tragique traditionnelle : celle d'un personnage confronté à une crise d'identité (« c'est moi, c'est moi ») et à une décision vitale.
• Bérenger s'exprime comme un héros tragique traditionnel : nombreuses phrases exclamatives, interjections tragiques (« hélas ! »), rythme heurté et répétitions, et même quelques alexandrins (« les hurlements ne sont pas des barrissements », avec rimes intérieures ; « Mes mains sont moites. Deviendront-elles rugueuses ? » ; « J'ai la peau flasque. Ah, ce corps trop blanc et poilu ! ») avec un jeu sur les sonorités (comme dans la tragédie classique : « Leurs chants ont du charme, un peu âpre, mais un charme certain »).
2. Mais le refus de la tradition théâtrale
• Mais Ionesco modernise la situation : le tragique et le destin prennent la forme métaphorique du rhinocéros, qui donne lieu à une irruption du fantastique à travers l'évocation des transformations en rhinocéros (« corne » qui « pousse