romain rolland
SEQUENCE 1 : CORPUS DE TEXTES
Texte 3 –Romain Rolland, Au-dessus de la mêlée, 1915
Au-dessus de la mêlée est un recueil d’articles écrits en Suisse par Romain Rolland, au tout début du conflit, et paru en 1915 ; on y trouve l’article éponyme, Au-dessus de la mêlée, « le plus célèbre manifeste pacifiste de la Grande Guerre. Comparable au J'accuse de Zola, il fut publié le 24 septembre 1914 dans Le Journal de Genève. Ce texte exceptionnel, qui exhorte les belligérants à prendre de la hauteur pour saisir l'ampleur du désastre, provoqua aussitôt de nombreuses réactions violentes et haineuses envers son auteur, dont la lucidité, l'idéal de non-violence et de communion entre les peuples furent néanmoins récompensés, dès l'année suivante, par le prix Nobel de littérature. »
Au début de l’article, l’auteur s’adresse à la « jeunesse héroïque du monde ».
[…] Vous faites votre devoir. Mais d’autres, l’ont-ils fait ?
Osons dire la vérité aux aînés de ces jeunes gens, à leurs guides moraux, aux maîtres de l’opinion, à leurs chefs religieux où laïques, aux Églises, aux penseurs, aux tribuns socialistes.
Quoi ! vous aviez, dans les mains, de telles richesses vivantes, ces trésors d’héroïsme ! À quoi les dépensez-vous ? Cette jeunesse avide de se sacrifier, quel but avez-vous offert à son dévouement magnanime ? L’égorgement mutuel de ces jeunes héros ! La guerre européenne, cette mêlée sacrilège, qui offre le spectacle d’une Europe démente, montant sur le bûcher et se déchirant de ses mains, comme Hercule !
Ainsi, les trois plus grands peuples d’Occident, les gardiens de la civilisation, s’acharnent à leur ruine, et appellent à la rescousse les Cosaques, les Turcs, les Japonais, les Cinghalais, les Soudanais, les Sénégalais, les Marocains, les Égyptiens, les Sikhs et les Cipayes, les barbares du pôle et ceux de l’équateur, les âmes et les peaux de toutes les couleurs !1 On dirait