rousseau
Devant le « spectacle » quotidien du journal télévisé qui met en scène la douleur d'autrui, on s'interroge sur l'inhumanité des bourreaux. Ont-ils perdu la raison, ou peut-être n'ont-ils jamais été « éduqués » ? Peuvent-ils vraiment rester insensibles ? En effet, il semble que l'on soit doté d'une capacité à s'identifier à celui qui souffre par un sentiment inné : la pitié. Telle est l'origine pour Rousseau de notre conscience morale, et même de notre sociabilité naturelle.
Dans ce texte extrait du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, il explique dans un premier temps que la pitié, par sa répugnance innée à voir souffrir autrui, obéit à l'instinct de conservation. Puis il en tire les conséquences sur l'origine de la morale en répondant à cette question essentielle : qu'est-ce qui nous fait choisir le bien plutôt que le mal ?
1. La pitié, par sa répugnance innée à voir souffrir autrui, obéit à l'instinct de conservation
A. Thèse : la pitié est un sentiment naturel qui limite l'amour de soi
Il semble que pour Rousseau l'homme soit gouverné par deux sentiments innés. Le premier est l'instinct de conservation. Il s'agit d'une tendance en tout animal, dictée par la nature, qui le pousse à toujours rechercher sa survie. C'est une nécessité vitale. En l'homme, il se traduit par l'amour de soi. On le trouve à l'état de nature, état fictif postulé pour comprendre les caractères innés de l'homme, ce qu'il est indépendamment de sa culture. De fait, nous sommes à l'état social, et Rousseau veut poser, en analysant le passage de l'un à l'autre, les fondements de la société. L'amour de soi se transforme inévitablement à l'état social en amour-propre, c'est-à-dire en souci égoïste que l'homme a de lui-même par rapport aux autres, en particulier par rapport au regard des autres.
La pitié que l'on trouve à l'état de nature vient modérer, dit Rousseau, cet amour de soi, et de ce fait « concourt à la conservation