Réquisitoire contre petits poèmes en prose
Messieurs les jurés,
Je m’en remets à votre objectif jugement pour délibérer quant à la suppression ou non du recueil de Monsieur Charles Baudelaire, Les Petits poèmes en prose. Tenez ! Observons ce titre : alors que l’ami de Baudelaire, Théodore de Banville, qualifie la parution de ce livre de « véritable évènement littéraire », je me permets de vous interpeller : peut-on appeler de la « poésie » de brèves histoires, sans vers, sans rimes, sans rythme ? Non, évidemment. Mais passons ; si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est dans un seul but : prouver comment le recueil de Baudelaire porte atteinte à la morale publique. Cette immoralité se remarque à plusieurs endroits, à propos de plusieurs sujets.
Dès la dédicace à Arsène Houssaye, Baudelaire « confesse » que ce livre est un serpent qu’il lui dédie : serait-ce le serpent malicieux de l’Eden ? Puis, au premier poème, la haine de Dieu est mentionnée (« Je le hais comme vous haïssez Dieu !).
Je poursuis ma lecture et j’en arrive au poème portant le numéro XXI dont le nom laisse d’ores et déjà présager le péché : « Les tentations » ; dans celui-ci, il est question d’un Enfer où les « Satans » sont « superbes » et la Diablesse « extraordinaire », pleine de « charme ». La fin du poème n’est pas moins incroyable ! On peut y lire un narrateur invoquant ces diables, « les suppliant de [le] pardonner », le pardon étant la preuve de la bonté de Dieu.
Enfin, dans le poème XXXI (Les vocations), l’enfant est couronné d’une auréole (caractère des saints) qui « l’allume » d’une aura étrange, celle du soufre de Satan (« auréole sulfureuse »).
J’aurais aimé pouvoir vous dire « C’est tout » en ce qui concerne les blasphèmes émis par l’auteur, mais, hélas !, c’est déjà trop !
Venons-en aux multiples allusions au sexe. Trait dominant de ce livre, je ne pourrais, messieurs les jurés, vous les montrer sans en oublier. Néanmoins, en voici quelques exemples.
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