Samuel becket
Ce qu’on pourrait appeler un désir de tradition apparaît d’abord par le fait que Winnie revendique à plusieurs reprises son besoin de dialoguer. Au-delà, le dialogue, même intermittent, est selon elle apte à rendre compte de son lien avec Willie : « Des jours peut-être où tu n’entends rien. (Un temps.) Mais d’autres où tu réponds. » (p. 26) se rassure-t-elle. Tout se passe comme si la fiction ne pouvait exister que par une communication réciproque, de sorte que Winnie semble ne pas pouvoir se passer de Willie pour être. Voulant déposer son ombrelle devenue trop lourde, mais incapable de faire le geste, elle lance : « Ordonne-moi de la déposer, Willie, j’obéirai, sur-le-champ, comme je l’ai toujours fait. » (p. 43).
Ce faisant la relation mise en scène, dissymétrique au possible, prend effectivement un air familier : une épouse accentuant sa dépendance vis-à-vis d’un mari désireux de s’affranchir de la possessivité de sa femme. Winnie et Willie se rapprochent alors de deux rôles codés largement employés par le théâtre : la Coquette et le Barbon. À ce titre, l’énonciation de chacun est déterminée par les traits distinctifs que l’Histoire du théâtre a assignés à chaque rôle. La Coquette s’interroge sur sa beauté : « Fut-il jamais un temps où je pouvais séduire ? » (p. 38) demande Winnie. Le Barbon ne parle qu’avec mauvaise grâce, ainsi que cela est visible lors du seul véritable dialogue entre les deux membres du couple, au cours duquel les didascalies ne laissent pas de doute sur l’humeur de Willie