Second traité du gouvernement civil
Introduction
« La propriété privée, c’est le vol ! » : cette exclamation de Proudhon met en question toute prétention à posséder quelque chose, et à en priver autrui du même coup. Cette réaction répond à la difficulté souvent rencontrée lors d’un jugement au tribunal pour établir le véritable propriétaire d’un objet. Le fruit qui tombe de l’arbre de mon voisin dans mon propre jardin m’appartient-il, ou reste-t-il sa propriété exclusive ? C’est afin de répondre à ce genre de dilemme que Locke a écrit ce texte. Il veut montrer que la propriété ne peut relever de la nature, puisque dans celle-ci tout est à tout le monde, c’est-à-dire à personne en particulier, et qu’il est impossible de trancher entre le mien et le tien. Mais elle ne peut relever non plus d’un simple acte juridique, qui ne repose pas sur des faits réels, mais sur les résultats toujours imparfaits de longues discussions. N’est-ce pas le travail, uniquement, qui à la fois me permet de sortir de la nature et qui, également, établit une distinction nette entre moi et les autres ? La propriété privée peut-elle se manifester clairement en dehors de cet acte d’appropriation ?
1. Le problème de l’origine de la propriété privée
A. La difficulté d’établir le point de départ d’une possession véritable Locke débute son texte en procédant d’une façon qui peut surprendre, puisqu’il commence par une affirmation quant à ce qui constitue la propriété de quelque chose, pour poser tout de suite après la question de son commencement. C’est que, dans le premier cas, il ne met l’accent que sur le résultat. C’est une fois que nous nous sommes nourris de glands, ou une fois que nous avons cueilli les pommes d’un arbre, que nous pouvons considérer que nous nous les sommes appropriés. En effet, nous assistons ici à plusieurs interventions de l’homme dans la nature, qui sans celui-ci n’aurait subi aucune modification