Si c'est un homme
Si c'est un homme
Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connait pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain
Qui meurt pour un oui ou pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de ses souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non ne l'oubliez pas:
Gravez ces mots dans votre coeur
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant:
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s'écroule,
Que la maladie vous accable
Que vos enfants se détournent de vous.
Primo Levi, chimiste de formation, est devenu écrivain pour écrire "ce qu'il ne pourrait dire à personne". Dans son livre on voit la volonté de comprendre la réalité du camp d'extermination nazi, une réalité qui paraît au-delà, en dehors de toute rationalité, on voit aussi la volonté de conserver la mémoire de ce qu'il a vécu, de porter témoignage. Deux chapîtres proches l'un de l'autre, les 10 et 11, sont très différents l'un de l'autre, mais bouleversants l'un et l'autre. Le chapître 10, "Examen de chimie",