Sociologie et littérature
L'étude des rapports entre l'art, en particulier la littérature, et la société n'est pas nouvelle. Elle ne s'est toutefois constituée en discipline qu'au cours des XIXe et XXe siècles, en même temps que se développaient les sciences sociales.
On renoncera ici à établir une chronologie de la constitution de la discipline, non que celle-ci n'ait, en un certain sens, progressé vers une plus grande rigueur, mais parce que, malgré cela, questions et hypothèses ont été, à chaque époque, formulées dans une perspective impliquant des choix et des préférences portant, au-delà de la littérature, sur la forme de la société et sur la fonction qu'on estimait devoir y remplir l'activité littéraire. Tout historique de la discipline est donc médiatisé par le débat théorique.
Ainsi les grandes catégories du déterminisme et du volontarisme ont-elles marqué toute l'évolution de la discipline durant les XIXe et XXe siècles, du romantisme populiste de Herder et Schlegel à l'école « réaliste » russe de N. Bielinski, en passant par Mme de Staël et le positivisme de V. Cousin et H. Taine.
En outre, cette même période s'est trouvée déchirée par l'antagonisme philosophique, propre aux sociétés libérales, entre l'affirmation de l'individu et de son autonomie indispensable et les risques de destruction du corps social et du consensus que faisait courir la pétition individualiste elle-même.
Enfin, l'histoire de cette discipline présente une difficulté supplémentaire qui ressortit à l'importance du rôle social et à l'ambivalence intrinsèque de son objet. Qu'entend-on en effet par « littérature » ? L'objet « littérature » de la sociologie est-il constitué par la circulation dans le corps social d'œuvres de pensée et de langage que la presse et l'école apprennent à lire et que consacrent les institutions marchandes et culturelles ? Ou bien, lorsqu'on parle de sociologie de la