Souveraineté des etats
Nicole Gnesotto
e monde n’en finit pas d’égrener ses aprèsguerre froide. Il fut d’abord un temps où la communauté internationale se prit à rêver d’un nouvel ordre mondial, sur fond d’unanimisme onusien et de supériorité flagrante de la machine militaire américaine. Puis l’horreur d’un nouveau tribalisme planétaire, amorcé en Somalie et peaufiné ensuite en Haïti, au Rwanda, en Algérie, au Soudan, ne laissa d’évidence que l’illusion des uns et le cynisme des autres. Seule l’Europe semblait échapper au chaos : sur fond de guerre non moins barbare en Bosnie-Herzégovine, les Occidentaux parvinrent à sauver l’Europe de l’insécurité mondiale, en construisant, à partir de l’OTAN et d’une coopération bénie avec la Russie, un îlot de stabilité relative mais potentiellement modèle pour la pacification du 3e millénaire. Un nouvel ordre otanien semblait au moins subsister de l’utopie d’un ordre mondial. Or, en 1999, cette exception européenne finit elle-même par voler en éclat : l’intervention de l’OTAN au Kosovo le 24 mars semble avoir porté le coup de grâce à ce qui restait d’universel dans le système mondial – le primat de l’ONU et le respect des souverainetés nationales – tandis que les performances discutables de l’intervention occidentale en Serbie porteront également un coup sérieux au label d’excellence de l’OTAN dans la stabilisation des crises européennes. Parallèlement d’ailleurs à cette déconstruction croisée des trois piliers de la sécurité internationale – l’ONU, les nations, l’OTAN –, l’impossible redevient pensable : on avait cru obsolètes ou condam-
L
nés les scénarios de guerres interétatiques traditionnelles, on redécouvre, dans la gestion de la Russie et de la Chine au Kosovo, un frisson de retour de guerre froide. Sans doute, la fin d’un millénaire est-elle particulièrement propice aux grandes peurs et autres sagas eschatologiques. Toutefois, entre cet ébranlement protéiforme de la sécurité