Fils unique D'une plume malicieuse, Stéphane Audeguy imagine le retour de François, frère et antithèse de l'auteur des Confessions. Erudit et impertinent Si les Confessions de Jean-Jacques Rousseau ont fait quelque chemin depuis leur publication, celles de François Rousseau, son frère, restaient à imaginer. C'est aujourd'hui chose faite par la grâce de Stéphane Audeguy, qui, après un premier livre remarqué, La Théorie des nuages, n'a pas hésité, pour l'épreuve, toujours redoutable, du second roman, à se lancer ce défi inédit. François Rousseau, donc. Ce dernier a effectivement existé et Jean-Jacques, qui l'a connu seulement quelques années, expédie son cas au début des Confessions: «Enfin mon frère tourna si mal qu'il s'enfuit et disparut tout à fait (...) et voilà comment je suis demeuré fils unique.» Lorsque débute la fiction d'Audeguy, nous sommes en 1794, et, durant le transfert des cendres de Jean-Jacques au Panthéon, le fameux François réapparaît comme par miracle. C'est un libertin caustique qui, à 90 ans bien sonnés, a un passé chargé. Et règle ses comptes. Il a traversé les soubresauts de la Révolution, vu trancher net - sur les échafauds de France - les idéaux de son frère. Il a sauté bien des frontières et bien des femmes, officié comme intendant d'un bordel chic, fabriqué des godemichés et des automates sexuels, toutes activités qui devaient le mener à la Bastille, où il devint l'ami intime du marquis de Sade. Bref, une vie et un parcours à l'exact opposé de son moraliste de frère, dont il se moque sans vergogne. De même que François Vallejo avait réussi, l'an dernier, avec Le Voyage des grands hommes, à imaginer un road-movie dont les protagonistes étaient trois figures des Lumières, Audeguy a gagné son pari littéraire: Fils unique est à la fois un pastiche et un jeu de miroirs très érudits, un regard moderne et impertinent sur Jean-Jacques, mais aussi un roman malin, sautillant, excitant. La preuve que l'exigence n'empêche pas la