Stratification d'une societe primitive
Dans ce texte, Marcel Mauss montre tout d'abord que pour comprendre la structure sociale des « hordes » australiennes, il faut regarder non pas la horde dans sa totalité, mais les petits groupes de quatre à six familles établies ensembles, les « groupes locaux » qui la composent de façon assez lâches. À cette échelle, les sociétés primitives australiennes apparaissent différenciées selon des critères de sexe, d'âge et de génération, sans qu'il y ait nécessairement une hiérarchie entre les groupes ainsi formés.
J'ai reçu aujourd'hui même de notre ami A. R. Brown un très intéressant travail, pour ainsi dire le premier de morphologie sociale australienne qui nous manquait complètement. Il mentionne l'importance et décrit avec insistance l'influence, mieux que M. Malinowski et lui ne l'avaient fait, sur toute cette vie sociale de la horde, du camp, c'est-à-dire du groupe local. Les tribus australiennes sont divisées et vivent en petits groupes qui, chose curieuse, ne dépassent pas du tout nos prévisions statistiques. [Elles] sont à peu près composées de 4 à 6 familles, c'est-à-dire d'une trentaine de personnes. Il y a là un maximum et un minimum. Ici en effet la « horde » peut-être existe-t-elle avec sa communauté et son égalité ; son amorphisme incontestable est en tout cas bien connu et bien observé. Mais, vous le voyez, cet amorphisme enveloppe de façon constante le polymorphisme des familles. Or on a l'habitude de représenter la famille australienne comme étant complètement isolée. Non ! elle est prise dans le petit groupe local. Donc nous nous sommes tous trop avancés : et ceux qui ont cru observer cet isolement et ceux qui ont cru à la seule parenté de clan. La différence qui existe entre ce que Durkheim nous a enseigné il y a presque quarante ans, et ce que nous avons observé dans ces mêmes tribus maintenant est celle-ci : le groupe local qui, pour Durkheim, était un