Dans le théâtre où s’est déroulée une pièce de Jules Romains, un spectateur sur son siège n’a pas bougé alors que tout le monde est sorti. Il regarde la scène d’un air pensif. Le dramaturge Jules Romains vient à sa rencontre.

-Vous voir ainsi doit-il me laisser penser que vous en demandez encore ?
-C’est un point de vue. Je demande à en savoir plus sur votre façon de penser à vrai dire.
-Très bien, je suis tout à vous, je n’ai pas maintes occasions de m’expliquer aussi directement à mon public.
-Parlons-en du public. Devant les mésaventures et autres infortunes des personnages, les voilà, riant à gorge déployé comme s’ils assistaient à un spectacle de clown ! Et pourtant, nous savons tous que devant de telles situations, nous ne serions pas bien malins !
-Mais monsieur, venez-vous au théâtre dans le but de vous lamenter sur le sort des infortunés ? Ou au mieux, pensez-vous que votre réaction en sortant du théâtre aura une influence sur le malheur des gens ? J’ai la réponse à cette question mais elle est sans intérêt, en revanche je suis curieux de connaître votre opinion.
-Je n’entends pas changer le monde avec des larmes ou un sourire, je pense seulement que par respect pour les malheureux, nous devrions limiter les caricatures faites à leur insu !
-Les caricatures faites à leur insu ! Mais nous sommes tous victime du mauvais sort ! Nous sommes tous malheureux un jour ou l’autre, dans une vie ou une autre ! Et regardez-moi, j’écris sur le malheur et je n’ai jamais été aussi heureux, mon public côtoie le malheur et en sortant du théâtre, il rira et en redemandera !
-Je ne suis pas d’accord. Que faites-vous des gens comme moi ? Ma journée est loin d’avoir été illuminée par votre tragédie !
-Comédie Monsieur.
-Ce n’était pas une erreur innocente. Vous nagez entre tragédie et comédie, j’ai eu l’impression, en voyant votre pièce, que vous ne saviez pas où vous en étiez !
-Et là réside mon talent, le mélange des genres, je suis un dramaturge innovateur.