Supplement bougainville
Paul Gauguin Noa NoaLe dernier roi Tahitien vient de mourir et a été enterré.Et tout rentra dans l’ordre habituel. Il n’y avait qu’un roi de moins. Avec lui disparaissaient les derniers vestiges des habitudes et des grandeurs anciennes. Avec lui la tradition maorie était morte. C’était bien fini. La civilisation, hélas ! triomphait - soldatesque, négoce et fonctionnarisme. Une tristesse profonde s’empara de moi. Avoir fait tant de chemin pour trouver cela, cela même que je fuyais ! Le rêve qui m’amenait à Tahiti était cruellement démenti par le présent : c’est la Tahiti d’autrefois que j’aimais. Et je ne pouvais me résigner à croire qu’elle fût tout à fait anéantie, que cette belle race n’eût rien, nulle part, sauvegardé de sa vieille splendeur. Mais les traces de ce passé si lointain, si mystérieux, quand elles subsisteraient encore, comment les découvrir, tout seul, sans indication, sans aucun appui ? Retrouver le foyer éteint, raviver le feu au milieu de toutes ces cendres...Dès lors on peut se demander qui parle dans ce texte. Apparemment, le vieillard s’adresse à Bougainville et aux Tahitiens. En réalité, c’est Diderot lui-même qui s’adresse au lecteur. Nous sommes face à une situation de double énonciation caractéristique des dialogues avec le sauvage.
Le renversement de la notion d’altéritéSi le vieillard représente la parole de Diderot et des philosophes des Lumières, il ne représente plus l’autre. Dès lors qui est l’autre ? Qui est le sauvage ? La thématique de la forêt permet d’éclairer le renversement qui s’est opéré. En effet, étymologiquement, « sauvage » vient du latin « silvaticus », celui qui est fait pour les bois, pour la forêt. Désormais, le sauvage, l’autre, c’est