Sur la lecture - proust
Résumé
Proust se souvient de ses séances de lecture quand il était enfant, et de ce qu'elles ont laissé dans sa mémoire du contexte dans lequel s'effectuaient ses lectures.
«[C]es gens [les personnages] pour qui on avait haleté et sangloté, on ne les verrait plus jamais, on ne saurait plus rien d'eux. Déjà, depuis quelques pages, l'auteur, dans le cruel "Epilogue", avait eu soin de les "espacer" avec une indifférence incroyable pour qui savait l'intérêt avec lequel il les avait suivis jusque-là pas à pas. [...] On aurait tant voulu que le livre continuât, et, si c'était impossible, avoir d'autres renseignements sur tous ces personnages, apprendre maintenant quelque chose de leur vie, employer la nôtre à des choses qui ne fussent pas tout à fait étrangères à l'amour qu'ils nous avaient inspiré et dont l'objet nous faisait tout à coup défaut». (p.24-25)
«[...] la lecture ne doit pas jouer dans la vie le rôle prépondérant que lui assigne Ruskin [dans Trésors des Rois, texte d'une conférence de 1864]». (p.26) Utilisant les mots de Descartes, Proust résume ainsi la thèse de Ruskin, qu'il conteste: «la lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés qui en ont été les auteurs.» (p.27)
«J'ai essayé de montrer [...] que la lecture ne saurait être ainsi assimilée à une conversation, fût-ce avec le plus sage des hommes; que ce qui diffère essentiellement entre un livre et un ami, ce n'est pas leur plus ou moins grande sagesse, mais la manière dont on communique avec eux, la lecture, au rebours de la conversation, consistant pour chacun de nous à recevoir communication d'une autre pensée, mais tout en restant seul, c'est-à-dire en continuant à jouir de la puissance intellectuelle qu'on a dans la solitude et que la conversation dissipe immédiatement, en continuant à pouvoir être inspiré, à rester en plein travail fécond de l'esprit sur lui-même.» (p. 29)
«Mais si je crois que la lecture,