Texte La belle et la Bete
Texte 2 LA BELLE ET LA BETE De Madame Leprince de Beaumont (1756)
5
10
15
20
25
30 Le soir, comme elle allait se mettre à table, elle entendit le bruit que faisait la Bête, et ne put s’empêcher de frémir. « La Belle, lui dit ce monstre, voulez-vous bien que je vous voie souper ? - Vous êtes le maître, répondit la Belle, en tremblant. - Non, répondit la Bête ; il n’y a ici de maîtresse que vous : vous n’avez qu’à me dire de m’en aller si je vous ennuie ; je sortirai tout de suite. Dites-moi : n’est-ce pas que vous me trouvez bien laid ? - Cela est vrai, dit la Belle, car je ne sais pas mentir ; mais je crois que vous êtes fort bon. - Vous avez raison, dit le monstre ; mais, outre que je suis laid, je n’ai point d’esprit : je sais bien que je ne suis qu’une bête. - On n’est pas bête, reprit la Belle, quand on croit n’avoir point d’esprit : un sot n’a jamais su cela. - Mangez donc, la Belle, lui dit le monstre, et tâchez de ne vous point ennuyer dans votre maison ; car tout ceci est à vous. J’aurais du chagrin si vous n’étiez pas contente. - Vous avez bien de la bonté, dit la Belle. Je vous avoue que je suis bien contente de votre bon cœur : quand j’y pense, vous ne me paraissez plus si laid. - Oh ! dame, oui, répondit la Bête, j’ai le cœur bon, mais je suis un monstre. - Il y a bien des hommes qui sont plus monstres que vous, dit la Belle ; et je vous aime mieux avec votre figure que ceux qui, avec la figure d’homme, cachent un cœur faux, corrompu, ingrat. - Si j’avais de l’esprit, reprit la Bête, je vous ferais un grand compliment pour vous remercier ; mais je suis un stupide, et tout ce